Dans ce 5e épisode de L'Instant Recherche, Cécile Doustaly, professeure en études anglophones et politiques culturelles comparées (laboratoire Héritages), nous parle du projet HERMES - Patrimoines en devenir.
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#5 - Cécile Doustaly : Le projet HERMES - Patrimoines en devenir
Dans cet épisode, Geneviève Zembri-Mary, directrice de la Maison de la recherche en Sciences humaines et sociales (SHS) Annie Ernaux de CY Cergy Paris Université, s'entretient avec Cécile Doustaly, professeure des universités en études anglophones et politiques culturelles comparées à CY Cergy Paris Université, et contributrice du projet HERMES (Heritage in the Making: Emerging Strategies / Patrimoines en devenir).
Lauréat de l’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) SHS du programme France 2030, le projet HERMES vise à structurer un écosystème national de référence sur les patrimoines en devenir, tout en favorisant une approche démocratique, inclusive et prospective du patrimoine culturel.
Cécile Doustaly nous éclaire sur le fait que la cohésion des sociétés plurielles - défi majeur en ce début de XXIe siècle - repose sur la coexistence pacifiée d’une diversité d’intérêts, de modes de vie et de visions du monde. Le rôle du patrimoine y est déterminant : il permet de créer un commun culturel, dans la mesure où il est fabriqué par la société.
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---- Transcription de l'épisode ----
Solène Hazouard : Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'être accompagnée par Geneviève Zembri-Mary, directrice de la Maison de la recherche en Sciences humaines et sociales Annie Ernaux de CY Cergy Paris Université, et de Cécile Doustaly, professeure des universités en études anglophones et politiques culturelles comparées. Nous les recevons aujourd'hui pour parler du projet HERMES, un programme de recherche soutenu par l'État, qui a été lauréat d'un appel à manifestation d'intérêt en sciences humaines et sociales dans le cadre du grand programme national « France 2030 ». Merci beaucoup pour votre présence à toutes les deux.
Geneviève Zembri-Mary : Bonjour Cécile. Nous sommes ravies aujourd'hui de vous accueillir pour parler de ce beau projet HERMES. Est-ce que vous pourriez nous préciser, pour commencer, le sujet du projet ?
Cécile Doustaly : Bonjour, merci de me recevoir. Le projet HERMES a émergé de questions communes que se posaient plusieurs universités. Il est piloté par l’Université Sorbonne Nouvelle. Il intègre sept universités au total, dont CY Cergy Paris Université.
Il s'intéresse à la façon dont on pourrait développer des stratégies émergentes pour les patrimoines en devenir. Ce qu'on entend par cette expression de « patrimoines en devenir », ce sont ces patrimoines en cours de constitution qui polarisent les débats contemporains, ou encore des patrimoines dont la valeur culturelle a jusqu'à présent été négligée et qui supposent que l'on repense leur patrimonialisation.
Les patrimoines culturels reposent en effet sur des mises en récit qui les inscrivent dans une histoire commune et les légitiment. L'articulation de ces formes multiples de récits pérennise le statut patrimonial des productions matérielles ou immatérielles.
Si je peux donner un exemple, dans le cadre du programme 7 que j'ai le plaisir de coordonner pour CY Cergy Paris Université, nous allons nous intéresser à des patrimoines qui sont à la fois matériels et immatériels. Par exemple, les patrimoines culinaires, qui ont été intégrés et qui ont bénéficié d'une reconnaissance patrimoniale par l'intermédiaire d'une inscription au patrimoine immatériel dans le cadre du « Repas des Français ». Ou alors les festivals, notamment les festivals de musique, les festivals populaires de quartiers et aussi l'Olympiade culturelle récemment par exemple, qui mettent en valeur des patrimoines immatériels : la musique, la danse, les pratiques sportives, les pratiques de sociabilité aussi – encore une fois autour de l'alimentation – et qui, pour des partenaires institutionnels comme les musées, peuvent faire l’objet de collectes permettant ensuite d’organiser par exemple des expositions.
Et donc on s’intéresse aussi à ces nouvelles collectes qui permettent d’organiser des expositions qui parleraient au grand public, ou alors, à l’inverse, des expositions qui permettraient de valoriser des cultures minoritaires, liées à des habitants dont l’origine vient de l’étranger et qui ont amené avec eux certaines pratiques qui peuvent tout à fait faire l’objet d’expositions.
GZM : Ce programme est interdisciplinaire. Quelles sont les disciplines représentées, et qu’est-ce que cette approche interdisciplinaire apporte au projet ?
CD : Oui, c’est une des grandes richesses du projet HERMES : chacun des programmes qui va être développé sera interdisciplinaire. Selon les programmes, différentes disciplines pourront être représentées. Dans le cas du programme 7 que je coordonne, pour observer, documenter et aussi analyser ces patrimoines matériels et immatériels, on est très heureux de pouvoir compter sur des collègues anthropologues, des collègues sociologues, des collègues spécialistes aussi d’aires culturelles étrangères, des spécialistes de géographie culturelle également et qui, pour certains, ont des compétences additionnelles, par exemple en médiation numérique, ce qui nous permet de penser un peu autrement la façon dont les musées peuvent valoriser ces différents patrimoines, pour s’adresser à une diversité de publics.
GZM : Ce programme 7 est une partie du projet HERMES : quel va être son apport au projet plus global qu’est le projet HERMES, et qui est un projet qui regroupe plusieurs partenaires ?
CD : Les questions communes qu’on se pose dans le cadre d’HERMES, c’est de se dire que la cohésion des sociétés plurielles est un défi majeur en ce début de XXIe siècle, que cette cohésion repose sur la coexistence pacifiée d’une diversité d’intérêts, de modes de vie et de visions du monde, et que le rôle du patrimoine y est déterminant, puisqu’il permet de créer un commun culturel dans la mesure où il est fabriqué par la société.
La fabrique est complexe. Nous, on se propose, avec nos partenaires de la société – notamment les musées ou les collectivités territoriales –, de réfléchir à cette fabrique, et aussi de réfléchir aux controverses qu’elle peut créer. Donc les patrimoines s’enrichissent en permanence, de pratiques et de productions contemporaines. Cette discussion sur la valeur proprement dite du patrimoine est continue dans la société, et les professionnels des musées sont souvent confrontés à ces discussions. Et on a réalisé, dans le cadre des travaux préliminaires, qu’ils étaient vraiment en attente d’aide de notre part, pour à la fois enrichir leurs collections, mais aussi réfléchir sur leurs collections existantes et voir comment s’adresser vraiment à la diversité des publics, que ce soit des publics locaux, nationaux ou étrangers.
GZM : Quels sont les résultats de ce projet pour la société ?
CD : Ce qu’on cherche à faire, c’est de s’inscrire dans les transitions numériques, environnementales et sociales, et aussi accepter les tensions nationales et internationales qui existent actuellement, afin de soutenir une stratégie patrimoniale prospective qui permette de mieux comprendre et de mieux approcher les grandes mutations de la société, et ainsi, de mettre en réseau des actions qui relient la recherche académique, les décideurs publics, les institutions culturelles, mais aussi les communautés de citoyens, pour produire des politiques culturelles qui permettent réellement de retranscrire les politiques publiques plus largement : sociales, économiques et environnementales.
SH : Merci beaucoup Geneviève Zembri-Mary d’avoir mené cet entretien, et merci à vous, Cécile Doustaly, pour votre éclairage instructif sur ce beau projet HERMES.