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Axes thématiques
La recherche au sein de la Maison SHS de CY Cergy Paris Université s'articule autour de trois grands axes :
- Axe 1 : Savoirs et sociétés
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Résumé
Les initiatives portées par cet axe s'intéressent à la façon dont les savoirs émergent, se disséminent et évoluent dans un monde en transition - changement climatique, fragmentation des sociétés contemporaines, montée des extrémismes, transformations institutionnelles, et développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
État de l’art et objectif scientifiqueDe la même manière que les sciences et techniques contribuent à relever les défis de la transition et du changement climatique, les sciences sociales et humaines ont également un rôle important à jouer dans ce domaine. Il s'agit de prendre un nécessaire recul historique et philosophique sur les enjeux que posent l’évolution des savoirs technologiques et scientifiques sur la société, en termes, par exemple, d'inégalités - à commencer par celles qui concernent justement la diffusion et l'acquisition des savoirs –, de démocratie, de citoyenneté et de cohésion sociale.
La littérature récente en histoire, en sociologie, en sciences de l’éducation et de la formation et en didactiques, ainsi qu’en philosophie politique et en anthropologie, a mis en évidence certains de ces grands enjeux : le lien entre l’humain, le progrès scientifique et la nature[1], la manière dont le savoir scientifique et technologique a parfois pu être manipulé ou détourné au profit des intérêts financier et industriels[2] et / ou par l’idéologisation des connaissances, la manière dont les savoirs technologiques et scientifiques ont pu ignorer, sous-estimer, masquer, renier les rôles scientifiques, sociaux, et favoriser une vision genrée de la société[3], la façon dont, sous couvert d’universalisme et d’exactitude scientifique, ces savoirs ont parfois pu prendre une forme ethnocentrique, encore imprégnée de l'expérience coloniale[4], la manière dont les savoirs issus de certaines régions du monde, y compris au sein de l’Europe, ont pu être systématiquement ignorées, la manière, enfin, dont cette critique de l’ethnocentrisme peut être dépassée pour refonder l’épistémologie des savoirs[5]. Il existe également de nombreuses études sur la manière dont les technologies de l’information et de la communication (TIC) et le big data peuvent menacer la démocratie ou accroître les inégalités[6], préoccupations qui sont corroborées par des enquêtes historiques sur la privatisation croissante des connaissances scientifiques et son lien avec l'essor du néolibéralisme[7]. Si ces travaux constituent des critiques notables de l'idée de modernité et de triomphalisme scientiste, ils représentent néanmoins une opportunité d'améliorer la situation et de réfléchir aux moyens par lesquels le progrès scientifique et technologique peut conduire à plus d'inclusion et d'empowerment. Ils permettent aussi de repenser le rôle du citoyen et sa formation dès l’école dans un monde transformé et dans lequel les "doubles numériques" commencent déjà à avoir un impact sur le rôle de la politique et sur l’éthique même du politique[8].
Nous pensons que face à ces enjeux, il nous faut approfondir ces questionnements, mais aussi plus largement repenser les grilles méthodologiques à travers lesquelles nous percevons traditionnellement la séparation entre les savoirs et les pratiques, entre les idées, les croyances et les savoirs, entre les sciences et les technologies et entre les mondes scolaires, universitaires et professionnels. De telles réflexions permettraient aussi de reconsidérer cet écart qui existe encore et toujours, à divers niveaux, entre les humanités et les sciences, alors même que cette division est héritée d’un contexte qui ne devrait plus avoir tant de pertinence de nos jours[9]. Il s’agirait de contrebalancer une tendance, que l’on observe aujourd’hui, à importer dans les sciences humaines et sociales des procédures de validation des savoirs héritées des sciences naturelles et formelles, conduisant notamment à une randomisation généralisée des recherches. Notre approche au sein de cet axe sera alors résolument constructiviste et externaliste, proposant ce que Jullien définit comme un "espace de réflexivité […] où se déploie la pensée", comme une "figure, non de rangement, mais de dérangement, à vocation exploratoire[10]".
Voici quelques exemples de thématiques (non exclusives, ni exhaustives) qui pourront être traitées au sein de cet axe.- La production et la circulation des savoirs dans les institutions internationales et plus généralement dans le champ de la décision politique ;
- L'impact des conflits internationaux et de la guerre sur la production et la circulation des savoirs ;
- L'impact du numérique sur les savoirs politiques, économiques, juridique et sociales ;
- L’impact de l’Open Science sur la construction des savoirs ;
- La production et diffusion de l’ignorance (complotisme, ‘fake news’, etc.) ;
- La production des savoirs en dehors du monde académique ;
- La manière dont les savoirs peuvent être “genrés”, “racisés” ou ethnocentrés ;
- Le développement des savoirs dans le cadre d’échange Nord/Sud ;
- Les épistémologies non-occidentales ;
- Les circulations des modèles urbains d’un pays à un autre, dans un contexte néolibéral ;
- La place des expertises (tous domaines, tous acteurs) visant à atteindre les objectifs communs de "durabilité", de "résilience" et de "transitions" ;
- Les apprentissages dans un contexte perturbé (adaptations, ajustements, etc) ;
- L’analyse sociolinguistique des discours scientifiques ;
- Les savoirs profanes et les savoirs experts ;
- Les transferts de savoir entre le monde académique et le monde professionnel.
Positionnement institutionnel de l’axe par rapport à l’existant
CY Cergy Paris Université est une institution dans laquelle les sciences et technologies occupent une place prépondérante. Dès lors, même si l’objectif d’une Maison des Sciences de l’Homme est d’y renforcer la visibilité des Sciences Humaines et Sociales (SHS), il nous semble important qu’elle permette également d’ouvrir un espace d’échanges entre ces dernières et les sciences et technologies (ST). En portant sur les questionnements - historiques, philosophiques, didactiques - qui permettent de faire le lien nécessaire entre les sciences et techniques, d’une part, les sciences de l’homme, d’autre part, l’axe "Savoirs et Sociétés" viendra offrir un tel espace. Dans un univers académique très cloisonné par disciplines, un tel espace viendra ainsi réaliser non seulement une interdisciplinarité entre les sciences humaines et sociales et toutes les autres disciplines scientifiques et technologiques représentées à CY.
En effet, nombreux sont les chercheurs et chercheuses de notre institution qui s'intéressent déjà à ces questions et ont acquis individuellement une solide réputation internationale. Les recherches portant sur la construction des savoirs et leur circulation sont déjà présentes dans la plupart des centres de recherche en SHS de CY, au sein desquels elles constituent parfois des axes de recherche identifiés. L’axe "Savoirs et Sociétés" permettra de donner à ces travaux une plus grande visibilité, tant au sein de CY qu’à l’extérieur, mais aussi d’initier de nouveaux programmes de recherche transversaux, auxquels pourront se greffer des chercheurs en sciences et techniques intéressés par l’épistémologie et l’histoire de leurs domaines scientifiques, ou plus généralement sensibles à la question des conséquences politiques, sociales et morales du progrès technologique et scientifique. Dans le cadre de cet axe, la Maison SHS pourra organiser et soutenir des manifestations scientifiques (colloques, séminaires et journées d’étude) sur le sujet, accueillir des chercheurs invités et agir comme une pépinière de projets transversaux portant sur la construction sociale des savoirs. Certaines de ces initiatives pourront par ailleurs venir appuyer la formation doctorale - dans toutes les disciplines représentées à CY et pas juste en SHS – s’ajouter ou renforcer l’existant, par exemple les masters "Political Ideas in the Digital Age" (UFR LEI), "Ingénierie éditoriale et communication", "Master Journalisme" ou "Développement culturel et valorisation des patrimoines" (UFR LSH) et le séminaire de recherche "Marché, Mondialisation et Multilatéralisme" (AGORA et ED AHSS).
----------------------------------------------------------------------------[1] Latour, Bruno. Où atterrir ? Paris : La Découverte, 2017.
[2] Proctor, Robert N. Golden Holocaust - La conspiration des industriels du tabac. Éditions des Équateurs, Paris : 2014 ; Conway, Erik M., et Naomi Oreskes. Les marchands de doute - Poche. Paris : Pommier, 2014.
[3] Rossiter, Margaret W. "Women Scientists in America". Bulletin of the American Academy of Arts and Sciences, vol. 36, n° 6 (1983) : 10-16 ; Jordanova, Ludmilla. "Gender and the Historiography of Science". The British Journal for the History of Science, vol. 26, n° 4 (1993) : 469-83.
[4] MacLeod, Roy. Nature and Empire: Science and the Colonial Enterprise. Chicago, Ill : University of Chicago Press, 2001.
[5] De Sousa Santos, Boavantura. Epistemologies of the South: Justice Against Epistemicide. Boulder : Paradigm Publishers, 2014.
[6] O’Neil, Cathy. Weapons of Math Destruction: How Big Data Increases Inequality and Threatens Democracy. New York : Crown, 2017; Zuboff, Professor Shoshana. The Age of Surveillance Capitalism: The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power. Londres : Profile Books Ltd, 2019 ; Tominato, Aurélie. Le recours périlleux aux algorythmes prédictifs, Paris : Hémisphères, 24, 24-29, 2022.
[7] Mirowski, Philip. Science–Mart – Privatizing American Science. Cambridge, Mass : Harvard University Press, 2011.
[8] Bernard Stiegler. The Age of Dusruption. Technology and Madness in Computational Capitalism. Cambridge : Polity, 2019.
[9] Par exemple, Snow, C. P. The Two Cultures and the Scientific Revolution. Mansfield Centre, Conn. : Martino Fine Books, 2013 [1959].
[10] François Jullien. L’écart et l’entre. Ou comment penser l’altérité. Paris : FMSH-WP-2012-03, février 2012, p. 7. - Axe 2 : Objets et imaginaires culturels
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Objet
Cet axe vise à penser, sous l’angle des actions et rétroactions, transmissions et mises en tension, toutes les productions culturelles au carrefour de leurs objets — matériels et immatériels —, et des imaginaires qu’elles engendrent et qui les sous-tendent, ainsi que l’épistémologie de rapports aux objets culturels au sens d’objets porteurs de valeurs imaginés et construits en direction de tiers.
Ces objets de recherche sont examinés/étudiés sous l’angle des questions méthodologiques qui animent également l’axe 2.
Plus précisément, le projet pour l’axe 2 se situe au croisement méthodologique et réflexif de trois domaines conceptuels :- la recherche scientifique, dont les finalités d’avancement des connaissances seront pleinement partagées et dont les critères de validité seront rigoureusement respectés ;
- les pratiques et discours de conception/idéation, de planification/création, comme résultantes de la pensée et de l’action humaine dans la perspective de ses productions culturelles ;
- une heuristique de la praxis, qui considère la pratique ou l’action comme une source privilégiée de connaissance.
Contexte
Comme c’est le cas pour les deux autres axes, le projet porté par l’axe 2 bénéficie pour cela d’un environnement institutionnel favorable et pertinent : Graduate School Arts et Humanités, EUR Humanités, Création et Patrimoine, écoles partenaires de CY Alliance, laboratoires de sciences expérimentales impliqués dans divers projets au sein de la FSP, IDHN, etc.
Sur le plan scientifique, des réflexions dans ces domaines sont d’ores et déjà menées dans les laboratoires existants et l’intérêt de la Maison SHS sera de travailler en trans/inter laboratoires, trans/inter axes, et non pas par silo.
Il est devenu classique de se référer à une typologie ternaire des concepts auxquels rattacher la recherche en arts et en humanités, que l’on peut ramener à la distinction méthodologique entre "recherche sur" (research on), "recherche pour" (research for) et "recherche par" (research through). Loin de concevoir ces typologies ternaires comme différenciant de manière absolue des pratiques qui s’excluraient mutuellement, la recherche privilégiée ici inclut les trois modalités. Elle s’appuie sur un état de l’art et va donc chercher les productions préexistantes, émanant de divers champs disciplinaires, susceptibles d’éclairer la compréhension de l’objet de recherche et de la situation de recherche. Elle vise à informer et orienter les pratiques futures. Cette dimension est intrinsèque à l’exigence de reproductibilité et de transférabilité qui est un des critères du travail scientifique.
Le projet scientifique de l’axe 2 ne vise pas à établir une méthodologie standardisée de la recherche, mais au contraire à spécifier, caractériser et expérimenter les différentes pratiques de recherche, en exprimant leurs conditions de mise en œuvre et leurs intérêts respectifs. Concrètement, l’axe 2 développe également une approche scientifique de type "aller vers" perçue au sein de l’axe 2 dans une perspective de rapport à la reproductibilité de la science, des sciences, dans une approche d’un commun méthodologique partagé au sein de la future MSH à partir d’objets, comme terrain d’investigation.
Les chercheurs et unités de recherche impliqués, du fait de leurs objets de formation et de recherche, seront ainsi susceptibles de mettre en œuvre des stratégies de recherche adaptées à leurs objets et tendant à se différencier et à se compléter.
Thématiques
Parmi les thèmes de cet axe, on peut noter :- la question des biens culturels au sens large : matériels et immatériels, visuels (spectacles, performances, etc.), sonores (discours, musique, chant, etc.), tangibles et intangibles, etc.
- les recherches sur les utopies (imaginaires des mobilités, regard critique sur les utopies en urbanisme : hygiénisme, fonctionnalisme, ville du quart d’heure, transitions, etc).
- les recherches sur les imaginaires et représentations des objets socio-techniques, ainsi les littératures dites « de l’imaginaire » (fantasy, science-fiction, fantastique), les cultures de jeunesse qui peuvent s’analyser au carrefour des cultures transmises par les adultes, dans le cadre familial, scolaire ou institutionnel (bibliothèques, etc…) et des cultures élues par les jeunes
l’épistémologie de la recherche, notamment dans le champ de la métalexicographie, en proposant par exemple des études diachroniques et synchroniques des dictionnaires. - Etc.
Les actions menées à CY Cergy Paris Université dans les domaines de la formation à la recherche et formation par la recherche en Master et Doctorat entreront naturellement en résonnance avec les projets/programmes soutenus, développés par l’axe 2 de la Maison SHS. - Axe 3 : Pratiques sociales, évolutions et tensions
- L’axe 3 vise à interroger les pratiques sociales liées à des comportements individuels ou collectifs qui s’intéressent, au prisme des champs de l’éducation, de la ville, de la communication médiatique et des espaces numériques, aux processus de construction des savoirs, des citoyennetés, des conflictualités et des altérités dans l’espace social.
Les institutions doivent-elles composer avec l'avènement de relations plus horizontales et actives, qui remettent en cause la verticalité des discours institués au profit d'une intensification du rapport à soi qui caractérise l'individualisme contemporain ? Le discours des acteurs appuyés sur des registres de savoirs construits sur la base de la recherche scientifique est confronté à la concurrence des recommandations "de proximité" qui surgissent de toutes parts, en particulier dans l'espace et à l'ère numérique, au travers de l'utilisation de réseaux sociaux prescripteurs de comportements. Cependant, le partage de données peut permettre une meilleure adaptabilité des sociétés et des territoires. Comment les nouveaux outils numériques et les nouvelles pratiques liées à ces outils impactent-ils tous les processus de décision, de transmission ? Les formes nouvelles d'individuation et de singularisation expressive qui les accompagnent obligent à repenser les questions de lutte contre tous les types d’inégalités sociales et les problématiques de justice (notamment socio-spatiale, disciplinaire, scolaire…). Les approches interdisciplinaires doivent permettre de mieux saisir les dynamiques de production des savoirs scientifiques, en tant qu'ils tentent de comprendre et de répondre à ces défis contemporains.
Le développement de la ville, celui des citoyennetés et des scolarités sont quelques-uns des contextes (interne, externe, nano, micro, macro et outil de description de la situation), qui sont plus précisément interrogés dans cet axe.
Les villes de demain offriront-elles un paysage social sans cesse plus morcelé, avec des regroupements affinitaires (social, communautaire…) contribuant à développer des processus de marginalisation internes ou externes (sociale, spatiale, générationnelle, éducative, parentale, scolaire…), à exclure davantage ceux qui ne possèdent pas le "profil" adéquat, ou bien des formes de fluidités nouvelles apparaitront-elles, permettant le dépassement des situations initiales dans un jeu de recomposition sociale permanent ouvrant à de nouvelles formes d’engagement, de mobilisation et de participation ? Quelles citoyennetés se déploieraient dans ces conditions, et avec quels marqueurs de transformations ? Comment les processus d'enseignement, de formation, d’apprentissage et de socialisation scolaire-universitaire participent-ils de la construction de ces dynamiques ? Comment les espaces matériels, numériques et les pratiques qui s’y déploient renforcent-ils ces processus de fragmentation, de transition ou de marginalisation ? Comment les espaces numériques impactent-ils les mobilités et la diffusion des informations ?
Plusieurs échelles – du local au global – peuvent être mobilisées pour interroger ces processus. D’abord, à un niveau individuel, l’étude de la nature et du développement des mécanismes cognitifs en contexte permettent de saisir un certain nombre de conditions favorables aux processus d’apprentissage et à l’évolution des comportements tout au long de la vie. Ensuite, la compréhension des comportements individuels et collectifs – dans l’école, dans la ville, dans les espaces numériques – permet de saisir les processus de socialisation, de choix et de décision à l’œuvre pour comprendre les tensions, les formes de résolutions et de compromis que suppose l’expression des mondes individuels et collectifs en place. Enfin, l’exploitation des traces dans l’espace numérique, comme l’expression des individus sur les transformations à l’œuvre, visent à caractériser une vaste diversité de pratiques et de comportements. À condition de franchir les obstacles techniques et légaux associés à leur exploitation – et à mutualiser les approches SHS dans le domaine –, il est ainsi possible de mener des études à grande échelle sur les comportements et les pratiques des individus qui y évoluent. Ils constituent un terrain de jeu intéressant pour l'interdisciplinarité. En effet, si une certaine technicité est nécessaire pour l'exploitation des traces – l'informatique et les statistiques jouent par exemple un rôle central dès lors que l'on veut penser à grande échelle –, les sciences humaines et les outils qu'elles élaborent sont incontournables dès lors que l'on veut interpréter, d'un point de vue qualitatif, les comportements qu'elles reflètent.